Comme l’écrit l’éditorialiste J. E. Dionne dans le Washington Post du 14 février, le nouveau président Joe Biden se propose d’être l’artisan de paix dans les guerres de religion américaines. Le président, parmi tous les défis qui l’attendent sur le plan interne, fait le pari, soufflé par son flair politique et son équipe de campagne, dont le conseiller à l’engagement religieux Josh Dickson, de réconcilier les Américains fracturés en commençant par dépolariser la religion chrétienne, devenue la première raison de l’identification partisane pour la droite.
L’année 2020 fut celle du 400e anniversaire de l’expédition du Mayflower, le navire qui transporta plusieurs centaines de « Pilgrim Fathers » de l’Angleterre vers l’Amérique du Nord. Qui étaient vraiment les hommes et les femmes qui firent ce voyage hasardeux ? Quels étaient leurs liens avec les courants dissidents de la Réforme protestante et quelle fut leur postérité au-delà du XVIIe siècle ? Pourquoi et comment la mémoire de 1620 révèle-t-elle, ou accentue-t-elle, les profonds clivages communautaires aux États-Unis en ce début du XXIe siècle ?
Ceux qui n’acceptent pas les nouveaux développements de la 5G seraient-ils les Amish de la technologie... Cette comparaison étonnante proposée par Emmanuel Macron a suscité bien des commentaires. Le Monde, dans son édition du vendredi 25 septembre, a ainsi publié deux pages de tribunes réagissant aux propos du président : il n’y était pas question d’Amish mais plutôt du danger à vouloir opposer, de manière dichotomique et sans nuances, les défenseurs d’un progrès technologique sans limites et leurs adversaires, par définition arriérés et ridicules. Aucune analyse ne s’est attardée sur la question suivante : pourquoi utiliser la référence aux Amish pour discréditer les anti-5G ? D’où vient cette association entre le reproche d’anti-progressisme et l’évocation d’une communauté réduite à quelques clichés ? Ces interrogations n’apportent rien au débat sur la 5G…, mais elles révèlent des aspects importants en matière de médiatisation des religions.
Il est belge et s’appelle Michael Freilich. Ce parlementaire nationaliste, issu des rangs de la droite populiste flamande — la N-VA présidée par Bart De Wever —, est dans le même temps une figure connue de la vie juive à Anvers, la deuxième ville du pays. Il fut en effet, durant douze ans, rédacteur en chef du mensuel juif anversois « Joods Actueel », avant d’être élu aux élections législatives belges de mai 2019 sur les listes du parti nationaliste flamand N-VA. À la fin de l’année dernière, le député Michael Freilich s’est attiré les foudres, jusqu’au sein de son propre parti, pour avoir à l’occasion de la fête juive des lumières allumé dans les locaux du Parlement fédéral les bougies d’un chandelier à huit branches.
Lorsqu’en 2005, Bobby Henderson affirme dans une lettre ouverte au comité d’État à l’éducation du Kansas que l’univers a été créé par un monstre en spaghettis volant, il est sans doute loin d’imaginer que les dix millions de fidèles qu’il revendique alors constitueront douze ans plus tard une prophétie auto-réalisatrice. Présents dans le monde entier – jusque dans la Syrie en guerre –, les pastafariens constituent une communauté dont la raison d’être ne se limite pas à parodier la religion.
L’Institut WIN/Gallup International vient de publier récemment les résultats d’une étude intéressant les croyances religieuses, fondée sur une enquête menée auprès de plusieurs dizaines de milliers de personnes dans soixante-cinq pays, et ce sur les cinq continents. Selon ce tout nouveau sondage, dont la presse s’est largement fait l’écho, six personnes sur dix dans le monde (63 %) manifestent leur appartenance à un groupe religieux, alors que deux sur dix (22 %) se considèrent comme étant non-religieuses. Plus d’une sur dix (11 %) enfin, se proclame quant à elle athée convaincue. Mais les écarts sont marqués, et de manière considérable, dès lors que l’on différencie les situations suivant les régions de la planète…
Dans un article daté du 2 octobre 2014, le Huffington Post rend compte de propos tenus par Antonin Scalia, juge à la Cour suprême des Etats-Unis, selon lequel la Constitution permettrait de favoriser la religion par rapport à l’irréligion. Une telle position est sans doute aujourd’hui encore minoritaire à la Cour, mais l’évolution de cette dernière vers la droite rend la question d’autant plus pertinente. La position du juge Scalia constitue-t-elle une interprétation correcte de la Constitution ? Scalia est un « textualiste » : il veut que les juges prennent en considération le texte même de la Constitution sans trop s’en éloigner, sans trop le solliciter par des interprétations larges et audacieuses. Le textualiste désire que les juges ne s’éloignent pas de la signification ordinaire du texte (plain text), bref qu’ils ne témoignent pas de trop de « créativité ».
Le philosophe Guy Haarscher a récemment consacré à la Cour suprême des Etats-Unis un petit livre non seulement lumineux, mais aussi fort utile (La Cour suprême des Etats-Unis. Les droits de l’Homme en question, Bruxelles, 2014). Utile, en effet, parce que cette synthèse bienvenue aide à comprendre le système des checks and balances qui régit la répartition des pouvoirs au niveau fédéral américain, ainsi qu’entre l’Etat fédéral et les cinquante entités fédérées. Et ce dans une Nation dont le droit a constamment évolué, pour une part au gré de la jurisprudence d’une cour, la Cour suprême, considérée par d’aucuns comme le véritable épicentre du pouvoir américain, ou du moins son puissant contrepoids. Ce constat s’applique en particulier à la lecture faite par la Cour du fameux 1er Amendement à la Constitution, qui concerne aussi bien la liberté d’expression que la liberté de religion et établit aux USA, depuis plus de deux siècles, le principe de la séparation Eglise/Etat.
La première grande enquête menée par le Pew Research Center de Washington sur les juifs américains — A Portrait of Jewish Americans — montre trois enseignements majeurs : (1) une montée en puissance des incroyants, combinée à une polarisation marquée entre croyants et incroyants ; (2) une augmentation significative du nombre de mariages exogamiques et leur corollaire, l’éducation non juive d’enfants d’origine juive ; (3) un éloignement de plus en plus marqué à l’égard du judaïsme traditionnel, à l’exception des juifs orthodoxes. Elle se caractérise enfin par un déclin de l’affiliation à l’égard des institutions communautaires et un reflux de l’identité religieuse, certes, mais aussi par un fort sentiment d’appartenance au peuple juif — 69 % des sondés ressentent ainsi un attachement marqué ou très marqué à l’égard de l’Etat d’Israël.
Les Américains sont-ils "capitalistes", c'est-à-dire attachés au système du libéralisme économique, parce qu'ils sont protestants ? Le sont-ils davantage que d'autres, que les Européens par exemple, en raison de leur identité religieuse ? Comme tous les clichés historiques, cette affirmation comporte des éléments vrais, mais aussi des simplifications susceptibles de nourrir bien des raisonnements caricaturaux.
Tout d'abord, il ne faut pas perdre de vue que les États-Unis ne sont pas une Nation intrinsèquement et majoritairement protestante. La population y est très diverse, y compris en termes d'appartenance confessionnelle. Le libéralisme économique peut certes être considéré comme un des piliers de la société américaine, mais cette attitude et les valeurs qui y sont liées ne sont pas l'apanage des seuls protestants. Le principe qui est au cœur de l'American Dream selon lequel la réussite serait accessible à tous, par l'initiative personnelle et par l'endurance au travail, a attiré des vagues successives d'immigrés juifs, catholiques, musulmans et autres. Par ailleurs, le protestantisme américain est lui-même fort diversifié et les rapports à l'économie ne sont pas les mêmes d'une Église à l'autre.