C’était il y a trente ans, à Bruxelles. Le 30 mars 1990, au milieu de la journée, le Premier ministre belge Wilfried Martens convoque les cinq vice-Premiers ministres qui composent son Gouvernement. Il leur lit une lettre signée par le chef de l’État, le roi Baudouin, courrier dans lequel le roi des Belges signifie au Gouvernement qu’il ne contresignera pas la loi dépénalisant partiellement l’interruption volontaire de grossesse, un texte adopté quelques jours plus tôt au Parlement. Ce courrier inédit du roi constitue un épisode symbolique décisif d’une saga qui a alors polarisé la société belge et la vie politique belge depuis vingt ans ; il aurait pu, si le Gouvernement n’avait pas usé d’un subterfuge institutionnel pour contourner le refus royal, ouvrir une crise constitutionnelle grave pour le pays.
Le philosophe Guy Haarscher a récemment consacré à la Cour suprême des Etats-Unis un petit livre non seulement lumineux, mais aussi fort utile (La Cour suprême des Etats-Unis. Les droits de l’Homme en question, Bruxelles, 2014). Utile, en effet, parce que cette synthèse bienvenue aide à comprendre le système des checks and balances qui régit la répartition des pouvoirs au niveau fédéral américain, ainsi qu’entre l’Etat fédéral et les cinquante entités fédérées. Et ce dans une Nation dont le droit a constamment évolué, pour une part au gré de la jurisprudence d’une cour, la Cour suprême, considérée par d’aucuns comme le véritable épicentre du pouvoir américain, ou du moins son puissant contrepoids. Ce constat s’applique en particulier à la lecture faite par la Cour du fameux 1er Amendement à la Constitution, qui concerne aussi bien la liberté d’expression que la liberté de religion et établit aux USA, depuis plus de deux siècles, le principe de la séparation Eglise/Etat.