Parmi les idées reçues qui mériteraient d’être revisitées, il y a l’idée selon laquelle les religions institutionnelles, dont l’islam, seraient entièrement involutives, c’est-à-dire qu’elles aspireraient à un retour complet vers le passé. Si l’on définit (succinctement) la modernité comme une confiance en un avenir piloté par l’idée de progrès, on peut penser que les religions institutionnelles seraient intrinsèquement réfractaires au monde moderne.
Depuis les attentats du 11 septembre 2001, les pouvoirs publics occidentaux s’alarment de l’influence du salafisme sur les pratiques religieuses des musulmans européens et nord-américains. Des librairies islamiques abritant un nombre important d’ouvrages de théologiens salafistes aux présentateurs charismatiques des chaînes satellitaires islamiques comme Iqraa, en passant par les tenues vestimentaires ultra-orthodoxes importées directement de la péninsule arabique (jilbâb, niqâb, qamîs), force est de constater que le salafisme tend à s’imposer comme la norme à partir de laquelle le musulman d’Occident doit juger sa pratique religieuse. Prônant une approche littéraliste du Coran et de la tradition prophétique, le salafisme est marqué par une volonté de purger la pratique religieuse de ses particularités locales et des « innovations » qui auraient altéré l’islam originel au fil des siècles. Au-delà de cette matrice doctrinale, le salafisme s'apparente plus à une mouvance plurielle et contradictoire, couvrant un large spectre de positionnements idéologiques. C’est un ensemble composite, voire hétérogène d’initiations multiples, pas toujours coordonnées, d’individus seuls ou formant de petits groupes autonomes.