L’historien Léon Saur vient de défendre à l’Université de Paris I une thèse de doctorat monumentale, fruit de quinze années de recherche, intitulée Catholiques belges et Rwanda : 1950-1964. Les pièges de l’évidence. Cet exercice magistral de critique historique, de près de 2300 pages, fera date, sans aucun doute, concernant le Rwanda à l’ère coloniale. Il relève d’un défi vertigineux dans le chef de l’auteur : avoir décidé de tout remettre à plat, de ne se satisfaire d’aucune idée reçue, et de proposer une lecture toute nouvelle de l’histoire du Rwanda à la veille de l’Indépendance, après l’avoir patiemment déconstruite.
La récente visite de Paul Kagame en France a réactivé l’attention des médias sur une question quelque peu oubliée : celle des religieux soupçonnés de participation au génocide ayant trouvé refuge dans l’hexagone. Le réchauffement des relations diplomatiques entre les deux pays jette en effet une nouvelle lumière sur le problème de l’extradition éventuelle d’individus visés par des mandats d’arrêt internationaux du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Le cas le plus emblématique à cet égard est sans doute celui du père Wenceslas Munyeshyaka, ancien curé de la paroisse Sainte-Famille de Kigali où, d’après les témoins survivants, il se serait livré à des violences, extorsions, viols et meurtres à l’encontre des réfugiés Tutsi de la cathédrale dont il avait la charge.
Au-delà de l’impact de tels témoignages et de procès retentissants impliquant des religieux comme celui des « quatre de Butare » à Bruxelles, le génocide a durablement bouleversé les relations entre l’Eglise catholique et l’Etat rwandais. Pour comprendre une quinzaine d’années de tensions, d’accusations réciproques et de négociation pragmatique entre les deux institutions, il est nécessaire de porter le regard sur l’histoire de l’évangélisation du pays, une histoire vieille de plus d’un siècle.