L’antisémitisme a fait et continue de faire l’objet, sur ses formes d’autrefois comme sur ses avatars présents, d’innombrables études, parfois fort érudites. Leur volume est de nature à décourager ceux qui recherchent prioritairement une approche synthétique.
Par ailleurs, dans sa compréhension même, il soulève nombre de questions, sinon de polémiques. Comment rendre compte de la dynamique qui génère au cours des siècles des formes de haine diverses – dont les structures peuvent sembler mutuellement incompatibles – à l’égard d’un peuple dont l’identité a elle-même connu des mutations dramatiques ?
On ne se flattera évidemment pas d’avoir répondu à cette épineuse, et peut-être insoluble, question. Il nous a semblé que resituer le phénomène dans l’histoire générale et montrer qu’on doit le saisir au cœur des enjeux essentiels à chaque phase constitutive de celle-ci permettait à tout le moins d’en appréhender le caractère profondément significatif et, pour tout dire, la cohérence. L’antisémitisme n’est pas seulement, comme toutes les autres formes de racisme d’ailleurs, une somme de poussées de haine conjoncturelle. Il a partie liée avec la faille identitaire qui taraude nécessairement toute société. Tenter de préciser – ne serait-ce que dans les grandes lignes – les modalités européennes de ce mal-être, c’est appeler à une compréhension qui laisse mesurer la véritable ampleur du problème et se refuse à réduire à quelques slogans aussi bien-pensants qu’inopérants la thérapie qu’il requiert.
Comprendre n’est pas admettre. Si l’on veut déjouer le piège de la haine, il convient de voir posément d’où elle naît. Cette prise de conscience est l’une des tâches majeures qui incombent – dans notre société de jour en jour plus « multiculturelle » – à ceux qui forment les citoyens de demain. Ce dossier voudrait les aider à poser clairement quelques jalons. Il ne saurait évidemment nourrir l’ambition de tout dire.
Jacques Déom (ULB).