Pourtant, quelques signes laissaient présager des nuages à l’horizon. En effet, Benoît XVI avait refusé la première version du décret d’approbation, rédigée sous les indications de la congrégation pour le culte divin (présidée par le cardinal Antonio Cañizares Llovera) et présentée par le cardinal Stanislaw Rylko, du conseil pontifical pour les laïcs. Dans cette première version, l’approbation du Chemin était globale, puisque le décret concernait toutes les célébrations – liturgiques et non liturgiques. Tandis que la version finale, celle corrigée sous les indications de Benoît XVI, se limite à l’approbation des célébrations non liturgiques. En outre, le pape avait précisé, à l’occasion de la rencontre avec les représentants du Chemin, que les célébrations liturgiques, donc la messe, devaient être célébrées en conformité avec les textes liturgiques et en communion effective avec tous les fidèles de l’Église romaine. Selon le vaticaniste Sandro Magister, la décision d’examiner la régularité des messes néocatéchuménales a été déclenchée peu après l’approbation du 20 janvier ; en particulier suite à une audience accordée fin janvier au cardinal Rainer Maria Woelki, archevêque de Berlin, qui lui aurait parlé des difficultés que les membres du Chemin causaient dans son diocèse. Benoît XVI aurait demandé à l’archevêque d’envoyer une note contenant des informations plus détaillées sur le sujet. Très rapidement Benoît XVI a ordonné l’ouverture d’un dossier d’enquête, confié à la Congrégation pour la doctrine de la foi (CDF) et à deux autres dicastères, la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements et le Conseil pontifical pour les laïcs. Les résultats de la première réunion (qui s’est tenue le 26 mars) sont assez négatifs et ont mis en exergue le risque que le Chemin néocatéchuménal introduise dans la liturgie latine un nouveau « rite », chargé d’ambiguïtés doctrinales.
On attend désormais les résultats de la deuxième réunion, qui doit statuer sur le bien-fondé de ces craintes. La CDF doit vérifier la conformité doctrinale de la « messe sainte » des néocathécuménaux, célébrée, selon l’art. 13 § 2 du Statut, « dans la petite communauté, après les premières vêpres du dimanche ». La difficulté sera de vérifier cette conformité non seulement sur la base officielle du Statut et du directoire catéchétique (le texte réservé aux catéchistes), mais également par rapport à la pratique. Parmi ceux qui sont sortis du Chemin, certains signalent, par exemple, des difformités à propos de l’eucharistie, par rapport à la doctrine catholique : la transsubstantiation (la transformation du pain et du vin dans le corps et sang du Christ) ne serait pas niée explicitement, mais bien de facto, par la réduction à sa seule signification (comprise comme libération de l’esclavage, le nouvel exode).
Les articles du Statut par lesquels les membres du Chemin justifient la nécessité de célébrer séparément leurs messes doivent également être examinés. En effet, le Chemin s’adresse aux adultes baptisés qui se sont éloignés de l’Église, qui n’ont pas été suffisamment évangélisés et catéchisés et qui désirent approfondir et mûrir leur foi (art. 5 § 1). La question sur laquelle la CDF devra se pencher est de savoir si l’Église catholique ne suffit pas ou n’a pas les instruments pour répondre aux besoins de ces personnes, au point de devoir non seulement déléguer le parcours catéchétique, mais permettre aussi que des messes « spéciales » soient célébrées. La crainte que Benoît XVI avait déjà exprimée lors de sa rencontre avec les représentants du mouvement, le 20 janvier, portait sur le fait que ces messes « spéciales » oublient que leur but – du moins le but souhaité par le Vatican – est d’aider ces personnes à rentrer dans la communauté catholique – non pas de demeurer en marge. La quatrième catégorie de personnes visées par le mouvement, « ceux qui proviennent de confessions chrétiennes qui ne sont pas en pleine communion avec l’Église catholique » suscite la plus grande perplexité...
Elena Torri (ULB).