Devant l’état de délabrement des édifices, des choix devront nécessairement être opérés, et le cadastre qui renseignerait non seulement sur l’état du bâtiment mais également sur sa fréquentation, devrait permettre au gouvernement wallon de décider en connaissance de cause d’une éventuelle nouvelle affectation de l’édifice. Les bâtiments étant classés, l’octroi des subsides n’est pas remis en cause, mais il est jugé nécessaire de s’assurer que ce patrimoine bénéficie bien à la collectivité.
Lors du débat en Commission, fin février 2012, le député CdH Maxime Prévot s’est fermement opposé à un tel relevé de la fréquentation des édifices du culte, soulignant, outre les difficultés pratiques de cette enquête, sa non-pertinence pour juger de la qualité du patrimoine. Cette opposition entre députés dont les partis sont tous deux membres du gouvernement illustre l’embarras de la majorité wallonne actuelle à se positionner dans l’ensemble du dossier relatif au temporel des cultes. Alors que la matière est très largement régionalisée depuis dix ans et que la Région flamande a légiféré en la matière dès 2004, la Région wallonne peine à trouver la voie à suivre pour moderniser la législation relative aux fabriques d’église, au grand dam d’un certain nombre de bourgmestres confrontés à l’importance des coûts de fonctionnement des fabriques et d’entretien des bâtiments affectés au culte. C’est dans ce contexte d’attentisme du gouvernement qu’il faut comprendre la démarche des deux députés socialistes désireux de s’attaquer au problème par le biais du patrimoine.
Mais la question, en réalité, concerne l’ensemble des édifices affectés aux cultes, et, dans leur grande majorité, au culte catholique. Ceux-ci sont, en Région wallonne, plus de 2000, dont 650 bâtiments classés. Les uns comme les autres sont en réalité entretenus par les pouvoirs publics. Le décret du 30 décembre 1809 sur les fabriques d’église, toujours en vigueur, impose en effet aux communes de prendre en charge les grosses réparations aux édifices du culte. Dès lors, l’impact du classement éventuel du bâtiment se situe essentiellement au niveau des finances communales que l’intervention régionale au titre du patrimoine viendra dès lors soulager.
Le problème posé par le coût de l’entretien des bâtiments affectés à l’exercice du culte se pose donc de manière au moins aussi urgente pour les édifices qui ne sont pas classés, dans le contexte d’accélération de la baisse de la pratique religieuse : la pratique dominicale en Wallonie concerne moins de 5 % de la population. Le coût de cet entretien pour l’ensemble du territoire n’est pas connu, en l’absence de relevé global.
Un cadastre de l’ensemble des bâtiments affectés au culte, qui reprendrait le coût des interventions communales, provinciales et régionales en faveur de ces bâtiments pendant les cinq ou même les dix dernières années, serait en vérité très utile. De même, le cadastre permettrait de clarifier la question de la propriété des bâtiments : en principe, les bâtiments construits avant 1795, date d’application de la législation révolutionnaire française, sont propriétés des autorités publiques, communes ou provinces. Pour les édifices construits après cette date, divers cas de figure peuvent se présenter, qui font ou de la commune ou de la fabrique le propriétaire de l’édifice.
Il conviendrait d’inclure également dans le cadastre les presbytères. En effet, toujours en vertu du décret de 1809, la commune est tenue de mettre à disposition du desservant un presbytère, ou tout autre logement convenable, ou de lui payer une indemnité. Dans de nombreuses communes, surtout rurales, c’est encore l’ancien presbytère qui est mis à disposition du curé et entretenu par la commune. Devant la baisse du nombre de prêtres, il arrive de plus en plus fréquemment qu’un seul ministre du culte soit en charge de plusieurs paroisses. La question de la réaffectation des presbytères se pose donc également, mais nécessite aussi une clarification de la propriété de ces bâtiments, qui peuvent appartenir soit à la commune (cas le plus fréquent), soit à la fabrique.
Il convient encore de souligner que les débats qui se déroulent actuellement au Parlement wallon ne concernent pas les édifices du culte situés dans la région de langue allemande, où c’est la Communauté germanophone qui exerce les compétences tant en matière de patrimoine que de temporel des cultes.
Une discussion sereine devrait sans aucun doute s’engager, en Wallonie, entre autorités publiques et ecclésiastiques ; ces dernières ne sont d’ailleurs nullement fermées à la perspective d’une désacralisation et d’une réaffectation de certains édifices du culte. Mais, ainsi que l’a montré le récent dossier de l’église Sainte Catherine à Bruxelles, ce sont parfois les paroissiens qui se montrent les plus hostiles à la fermeture de leur église, quand bien même ne la fréquentent-ils plus guère…
Caroline Sägesser (ULB).